Depuis 2022, le secteur des musiques actuelles en Suisse connaît une nouvelle dynamique. Entre plaidoyers d’artistes, études de terrain et recommandations tarifaires, les initiatives se multiplient pour structurer un écosystème encore fragile. Si les défis restent nombreux — fragmentation des soutiens, rémunération insuffisante, équipes épuisées au sein de certains structures — les voix s’unissent progressivement pour professionnaliser le secteur et garantir sa durabilité.
Nous vous invitons à lire ci-dessous un tour d’horizon des constats et pistes d’action clés qui dessinent les contours d’une première étape de visibilisation des problématiques et des défis à relever. De nombreuses discussions entre les structures représentatives des différents métiers doivent encore se tenir mais la première pierre vers un accord sectoriel est sans doute posée.
L’ analyse des dispositifs de soutien aux musiques actuelles en Suisse romande, menée conjointement par PETZI et la FCMA, a mis en évidence dès 2022 une réalité contrastée : les aides publiques sont nombreuses, mais dispersées et peu coordonnées.
L’ensemble des soutiens alloués aux artistes, aux salles de concert et festivals et autres programmes d’accompagnement sur le territoire romand ne dépasse pas les 25 millions tout niveau politique confondu communes, cantons et loteries.
Ce constat a renforcé l’idée que la structuration du secteur passait par une meilleure articulation entre les niveaux de financement (communal, cantonal, fédéral) et une reconnaissance claire du travail artistique comme une activité professionnelle à part entière.
Dans un article publié par La Revue Musicale Suisse, les artistes Sara Oswald et Meimuna livrent un plaidoyer fort pour des conditions de travail plus justes. Elles incarnent une nouvelle génération de musicien·nes déterminée à faire évoluer les mentalités sur la valeur du travail artistique et à défendre un accès plus égalitaire aux scènes et aux financements.
Afin de favoriser la professionnalisation, SONART – l’association suisse des musicien·nes professionnel·les – a publié de nouvelles recommandations tarifaires. Ces repères visent à clarifier les attentes en matière de cachets et s’inscrivent dans le cadre du Message culture 2025–2028, qui invite à conditionner les aides publiques à une rémunération adéquate des acteur·rices culturel·les.
En parallèle, PETZI, qui fédère plus de 220 clubs et festivals à but non lucratif, a publié un argumentaire exposant les défis liés à la mise en œuvre de telles recommandations. PETZI alerte sur les risques d'une généralisation de cachets minimaux sans soutien financier accru. Selon ses calculs, appliquer un tarif de 500 CHF net par artiste représenterait un surcoût de plus de 5,4 millions CHF annuels pour ses membres – une hausse de 86 % par rapport aux budgets actuels dédiés aux cachets. L’organisation plaide pour une approche progressive, tenant compte des réalités diverses du secteur, avec des mesures transitoires et une clarification des responsabilités dans l’écosystème.
Dans un autre registre, IndieSuisse, l’association des labels indépendants, demande plus de transparence dans la communication autour du partage des revenus issus du streaming, notamment sur Spotify. Elle milite pour une meilleure redistribution de la valeur et pour un accès facilité aux données et usages de la plateforme notamment en ce qui concerne la curation des playlists.
Une Lex Spotify pointerait-elle en bout de ligne ?
Ces différents témoignages et prises de position convergent vers un même objectif : faire des musiques actuelles un secteur professionnel viable, équitable et durable. Si les intentions sont partagées, leur mise en œuvre appelle une coordination renforcée entre artistes, structures, institutions et financeurs. L’enjeu est clair : garantir à la fois la diversité culturelle suisse et des conditions de travail respectueuses pour celles et ceux qui la font vivre.